Sydney, Australie Le 6 septembre 2011
Voici donc ma petite histoire : Un homme se déplaçait de village en village pour montrer ses talents. Il était très doué pour atteindre systématiquement une cible avec sa flèche. Un jour alors qu’il était en pleine démonstration il entendit quelqu’un dire dans la foule : « Ce n’est qu’une question de pratique, » et il était furieux. Car il était très habile, il était le meilleur. Il montrait tout cela aux gens et tous s’émerveillaient, l’applaudissaient. De toute évidence son égo s’envolait un peu plus haut chaque fois qu’il touchait la cible. Et voilà qu’il entend quelqu’un dire : « Oh, ce n’est qu’une question de pratique. »
Alors après avoir terminé sa petite démonstration, il s’approcha et vit cet homme installé là pour vendre son huile. Il avait deux récipients et il n’arrêtait pas de dire : « Ce n’est qu’une question de pratique. » Les gens venaient le trouver et disaient : « Vous avez vu ce type ? Il est tellement fort ! » Et il leur répondait : « Bah, ce n’est qu’une question de pratique. »
Donc, l’archer alla trouver le marchand d’huile et lui dit : « Que voulez-vous dire par ce n’est qu’une question de pratique ? N’avez-vous pas constaté combien je suis habile ? J’atteins la cible chaque fois. » Le marchand d’huile lui répondit : « Ce n’est qu’une question de pratique. »
Il en fut excédé au plus haut point, parce qu’il était là pour être reconnu, son égo était démesuré. Et il voulait être reconnu : « Oui, vous êtes le meilleur, c’est vraiment vous le meilleur. » Cet homme au contraire – qui n’est fondamentalement rien d’autre qu’un vendeur de rue – le provoque d’une façon détournée en disant « ce n’est qu’une question de pratique. »
Il lui demanda donc : « Bon, que voulez-vous vraiment dire par là ? » Le marchand répondit : « Je vais vous montrer. »
Dans l’ancien temps, – vous avez peut-être déjà vu des documentaires sur les explorateurs qui remontent des pièces de monnaient anciennes trouvées dans l’épave d’un bateau. – Il y avait des pièces trouées au centre.
L’homme prit donc une pièce trouée, la plaça sur le goulot d’une bouteille, souleva un énorme pot plein d’huile et versa l’huile dans la bouteille sans même toucher la pièce. Il regarda l’archer et dit : « êtes-vous capable de faire ça ? Vous, vous avez pratiqué le tir à l’arc et cela vous a permis d’y exceller. Moi, je pratique ceci depuis longtemps, et cela m’a permis d’y être très habile. »
En quoi cette histoire est-elle pertinente ? Je vais vous poser une question : Qu’est-ce que vous faites bien ? Qu’est-ce que vous pratiquez le plus ? Car selon cet homme, le marchand d’huile, il est évident que si vous pratiquez la frustration chaque jour, vous y deviendrez habile. Il n’en faudra pas beaucoup. (Prem Rawat claque des doigts) : Frustration instantanée : Vous avez oublié vos clés, on vous a klaxonné sur la route, on vous a coupé la route, on vous a jeté un sale œil. Vous êtes immédiatement frustré. Parce que si c’est ce que vous pratiquez, c’est ce qui arrivera. Pratiquez-vous la contrariété ? Quelqu’un a deux minutes de retard, (soupir). « Je suis contrarié. » Votre vol a décollé en retard et vous regardez votre montre (soupir) : « Nous avons encore pris du retard. »
Est-ce là ce que vous pratiquez ? Pratiquez-vous la confusion ? Vous êtes perplexe ? « Qu’est-ce que je fais sur terre ? » « Quel est l’intérêt ? » « Quel est le propos de tout ceci ? » Quand vous y serez exercé, vous serez dans la confusion instantanément. Il en faudra peu.
Ou bien pratiquez-vous la clarté ? Parce que si vous pratiquez la clarté, voir clair sera votre seconde nature. Le doute s’enfuira en vous voyant. « Oh, il arrive. Je m’en vais ! » Ou : « Elle arrive. Je pars. Il n’y a pas de place pour moi. »
Je n’en parle que pour une raison, le seul mérite qu’il y a à en parler est tout simplement ceci : Ce n’est pas ce que nous pratiquons ! Car si nous le faisions, le monde ne serait pas dans la situation actuelle. Nous pratiquons la vengeance, et bon sang, nous y excellons. Nous la pratiquons tant que nous ne savons même pas que nous nous vengeons. Et nous l’exerçons. Quelqu’un a un mot malheureux – je trouve ça curieux voyez-vous. Je le remarque avec ma fille, avec ma femme. Si je fais quelque chose qui les contrarie, ou si elles se disputent avec quelqu’un, elles disent : « Bon. Très bien. » Il m’a fallu un bon nombre d’années pour comprendre que « bon très bien » ne veut pas vraiment dire bon, comme : ça va. Ça veut dire « Tu seras pénalisé(e). » Quand ? On ne sait pas. Ce sera quand on pourra infliger un maximum de douleur. Alors maintenant quand j’entends dire très bien, je dis, « Je suis désolé, vraiment désolé. Ais-je fait ou dit quelque chose ? » Mais : « Très bien. »
Parce qu’en tant qu’être humain, nous devons, nous avons besoin de pratiquer la clarté. Ce que je vous dis c’est que, tout comme vous savez que votre corps a besoin d’eau et que vous ne devez pas négliger votre soif, tout comme la faim vous dit que vous avez besoin de nourriture. Tout comme la fatigue vous dit que vous devez vous reposer, tout comme le besoin de respirer existe en vous, le désir d’être comblé, d’être en paix, d’être clair est inhérent : Être heureux.
Prem Rawat